Le secret le mieux gardé du foot ? Il n’en dira rien.

The New York Times traduit une sélection de ses meilleurs articles pour un lectorat francophone. Retrouvez-les ici.

C’est le moment de l’année où Pascal Ferré reçoit des appels qui s’enchaînent et se ressemblent. On lui téléphone des quatre coins de la planète. Un jour, c’est un dirigeant d’équipe ou un président de club. Souvent, c’est un agent, charmeur et inquisiteur. C’est même parfois un des joueurs les plus célèbres de la planète, en personne.

Quels que soient les interlocuteurs au bout du fil, ils adoptent plus ou moins la même stratégie avec Ferré, un homme barbu et sympathique qui est rédacteur en chef de France Football, le prestigieux hebdomadaire de foot. Ils commencent en parlant de tout et de rien et s’enquièrent de sa santé. Puis ils enclenchent la vitesse supérieure.

Il lui demandent comment se déroulent les préparatifs du gala annuel du magazine, où sont annoncés les lauréats masculins et féminins du prix individuel le plus convoité du football : le Ballon d’Or. Bien, très bien. Le vote est terminé ? Tout s’est bien passé ? Oui, oui. Ferré sait ce qui va suivre : les gens appellent tous pour la même raison. Ils rêvent de découvrir la seule chose qu’il lui est impossible de révéler.

Deux détails montrent à quel point Ferré et sa petite équipe défendent jalousement l’identité des lauréats. D’abord, Ferré est l’une des deux seules personnes, y compris au sein du mensuel, à savoir qui l’a emporté. Ensuite, la seconde personne, son bras droit, n’est mise au courant qu’au cas où il lui arriverait quelque chose. “Imaginez que j’aie un accident,” dit-il. “Il faudrait quand même qu’il y ait un Ballon d’Or.”

Ferré est impossible à amadouer, jamais il ne laisse échapper le moindre nom. “Ça fait six ans que je suis responsable de l’événement,” dit-il. “Je n’ai encore jamais commis d’erreur.” Toutes ces tentatives de flatterie à peine voilées pour lui soutirer une réponse se heurtent au même silence. “Je n’aime pas mentir,” dit-il. Il sait qui l’a emporté. “Je leur explique que je ne peux pas leur communiquer de noms parce que les lauréats ne le savent pas, et que ce serait injuste qu’ils ne soient pas les premiers à être mis au courant.”

Il attend le plus tard possible pour mettre les heureux élus dans la confidence. Il prévoyait d’appeler les nouveaux lauréats cette semaine, quelques jours avant le gala au Théâtre du Châtelet, le 29 novembre. Et encore, c’est uniquement pour des raisons pratiques : il est obligé de les avertir, explique-il, pour être sûr qu’ils sachent comment la cérémonie va se dérouler.

C’est là que le secret de Pascal Ferré lui échappe. Jusqu’au dernier moment, il est tenu à la plus stricte confidentialité, un régime d’une telle sévérité que lui-même reconnaît qu’il peut, d’un certain point de vue, frôler la “paranoïa”.

Le gala se prépare tout au long de l’année. Mais c’est à la fin septembre que le vrai travail commence. Dix membres de la rédaction de France Football sont chargés de dresser deux listes : les 30 joueurs et les 20 joueuses qui, d’après eux, méritent de figurer dans la sélection finale. Une fois ces noms soumis, tout ce petit monde se réunit dans les locaux du magazine pour ce que Ferré appelle “une discussion” — un euphémisme.

Il va de soi que beaucoup de ces noms recueillent une nette majorité. “Chez les hommes, 20 ou 22 joueurs sont une évidence pour tous,” affirme-t-il. “Il y a des discussions à propos des huit ou 10 derniers. Les réunions durent souvent longtemps, deux ou trois heures, mais il faut que chacun soit fier de la sélection finale. C’est pas la liste du patron. Et on essaye de n’oublier personne. Il y a quelques années, on a réalisé qu’à nous tous, on avait regardé 1000 matches, voire plus, dans l’année. Figurer sur la liste, c’est pas rien.”

Une fois qu’un consensus a été obtenu, France Football envoie les listes de présélection à un jury de plus de 170 journalistes du monde entier (et les annonce officiellement) début octobre.

Et c’est à partir de là que s’abat le voile du secret. Les jurés — un seul par pays — soumettent les cinq noms qu’ils ont choisis, dans l’ordre de préférence, à ce que Ferré appelle un “serveur de messagerie privé”. Invité à préciser ce qu’il entend par là, il hésite: le système est tellement confidentiel qu’il refuse d’en divulguer le fonctionnement, si ce n’est pour dire que seuls son bras droit et lui y ont accès. Les autres collaborateurs de France Football sont tenus dans l’ignorance.

“On fait très attention,” souligne-t-il . “L’identité du lauréat du Ballon d’Or est un vrai secret. Je pense qu’il n’y a aucun équivalent dans le monde du sport.” Quand on lui suggère que le parallèle le plus évident serait les Oscars, il se montre dubitatif.

La responsabilité qui pèse sur les épaules de Ferré et de son magazine est très lourde, mais ce n’est pas par arrogance de leur part. Le Ballon d’Or est une affaire sérieuse : ils savent parfaitement ce que la récompense représente pour les joueurs. Le jour où Pascal Ferré a appelé Luka Modric, pour lui annoncer qu’il était le lauréat de 2018, le joueur croate a “fondu en larmes comme un gamin.”

“Pour eux c’est Noël,” estime-t-il. “Dans un sport d’équipe, c’est l’unique occasion que vous avez de célébrer à titre individuel.”

Le prestige de cette récompense ne fait que croître d’année en année. La primauté du Ballon d’or est un curieux phénomène. En 2010, le prix a fusionné avec l’équivalent officiel de la FIFA, Meilleur Footballeur de l’Année, pour devenir le FIFA Ballon d’Or.

Quand ce partenariat a pris fin en 2015 et que la FIFA l’a remplacé par “The Best FIFA Football Awards” — titre imaginatif s’il en est — on aurait pu s’attendre à ce que le Ballon d’Or perd un peu de son lustre.

Au contraire, l’attrait du Ballon d’Or n’a cessé de grimper. Kylian Mbappé a lui-même reconnu que c’était “l’ambition de n’importe quel joueur qui veut être le meilleur”. Son co-équipier Paul Pogba avouait clairement il y a quelques années que c’est une récompense qu’“il vise”.

Même Robert Lewandowski, l’attaquant du Bayern Munich qui moquait ouvertememt les choix de France Football — “Je ne vois pas pourquoi tel joueur finit à la 50ème position, tel autre à la 25ème et tel autre à la 5ème,” a-t-il déclaré en 2017 — a changé son fusil d’épaule.

Il y a un an, Lewandowski était favori pour remporter le prix avant que celui-ci ne soit annulé — non sans remous — en raison de la COVID. Interrogé pour savoir s’il estimait le mériter, il avait répondu, “Ce que j’ai accompli fait office de réponse. Pour moi ce serait très important de l’obtenir.”

Ce qui justifie un tel respect est ouvert à interprétation. Peut-être est-il révélateur de la tendance croissante de ce sport à mettre en valeur des stars, plutôt que la réussite collective, ou à percevoir les joueurs en tant que marques.

Peut-être aussi est-ce la rivalité entre Lionel Messi et Cristiano Ronaldo pour en gagner le plus grand nombre, une rivalité si intense que le Ballon d’Or est désormais une mesure de leur gloire. “Ronaldo n’a qu’une seule ambition: de partir à la retraite avec plus de Ballons d’Or que Messi,” affirme Pascal Ferré. “Je le sais parce qu’il me l’a dit.”

Mais pour Ferré, l’attrait du prix a une explication très simple. Son aura est liée à son histoire. Le Ballon d’Or date de 1956. George Best en a remporté un. Franz Beckenbauer et Alfredo Di Stéfano en ont obtenu deux chacun. Johan Cruyff en a gagné trois. Pour Ferré, avoir le Ballon d’Or, c’est entrer au panthéon du sport.

“C’est pas une question d’argent,” dit-il. “C’est juste un trophée. Mais quand on l’a, on a sa place dans l’histoire. Si vous regardez les statistiques de Messi et Ronaldo, vous verrez qu’ils marquent beaucoup de buts en septembre et octobre, au moment des votes. C’est pas un hasard.”

Voilà ce qui est en jeu alors que l’automne avance et que les votes commencent à tomber. Voilà pourquoi tant de joueurs, d’agents et de dirigeants brûlent de savoir si eux-mêmes, ou un de leurs joueurs, ont gagné. Voilà pour pourquoi le nom de l’élu est traité comme un secret d’état jusqu’au dernier moment par Pascal Ferré et son magazine. Après tout, il faut savoir se faire désirer.

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